Responsabilité pécuniaire du salarié licencié pour faute grave

Seule la faute lourde peut permettre de rechercher la responsabilité pécuniaire du salarié selon la jurisprudence de la cour de cassation.

Dans cette affaire, le salarié (un conducteur de bus) se voyait reprocher d'avoir perçu des sommes destinées à l'entreprise : il vendait des tickets sans en restituer la recette à l'employeur. Sur ce motif, son employeur l'avait licencié pour faute grave.

Le Conseil de Prud'hommes et la Cour d'Appel avaient retenu la faute grave et ordonné la compensation entre une dette salariale et le montant des sommes détournées.

La Cour de Cassation a estimé que la Cour d'Appel passait outre l'interdiction de principe édictée par l'article L. 3251-1 du Code du travail : « L'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature », estimant que cette interdiction de compensation se limitait aux sommes dues par un salarié pour fournitures diverses, et ne concernait donc pas une créance de nature indemnitaire (dommages intérêts correspondant au montant des recettes détournées).

La Cour de Cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'Appel en rappelant que la responsabilité pécuniaire du salarié vis-à-vis de son employeur ne peut résulter que de la faute lourde du salarié. Seule la faute lourde du salarié, c'est-à-dire  « celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise », peut mettre en cause sa responsabilité pécuniaire et autoriser l'employeur à pratiquer une compensation entre le salaire et les sommes que le salarié lui doit .

Elle confirme son arrêt du 20 avril 2005 [Cass. soc. 21 oct. 2008, n°07-40.809, Nely c/ Sté Connex Rhodalia], dans lequel elle avait refusé que le coût du renouvellement d'un badge détérioré soit retenu sur le salaire en dehors d'une faute lourde.

REMARQUE

S'il ne peut pas appliquer la compensation, l'employeur peut agir devant les juridictions civiles ou pénales pour obtenir la condamnation du salarié au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice subir.

RAPPEL DES TEXTES

Le Code civil, dans son article 1289, prévoit la possibilité d'une compensation de droit entre deux créances certaines, liquides et exigibles.

En droit du travail, cette règle n'est pas intégralement transposable en raison du caractère alimentaire du salaire.

Par ailleurs, le Code du travail dans son article L. 1331-2 prohibe la sanction pécuniaire du salarié : « Les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».

La Jurisprudence a édicté le principe que la responsabilité pécuniaire du salarié ne peut engagée qu'en cas de faute lourde (cf. supra).

Le Code du travail n'aborde que deux cas :

  • article L.3251-1 et 2 : les créances pour fournitures diverses (compensation interdite sauf trois exceptions : les outils et instruments nécessaires au travail, les matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage, les sommes avancées pour l'acquisition de ces objets),
  • article L.3251-3 : les avances en espèce par l'employeur (hors acompte), qui ne peuvent être retenues que dans la limite d'un dixième du salaire par mois.

Il faut préciser que la compensation est strictement interdite dans certains secteurs d'activité (hôtels, cafés,restaurants, entreprise de spectacle, casinos, entreprise de chemin de fer, de navigation et de transport), afin de contrecarrer certains usages prélevant notamment sur les pourboires une caution en cas de casse (bris de vaisselle...) ou refacturant le coût de communications téléphoniques personnelles.

Pour les autres cas non abordés par le Code du travail, un arrêt du 25 juin 1997 était venu préciser que l'article L.3251-1 et 2 n'évoquant que la compensation entre salaire et les créances pour fournitures diverses, les autres compensations étaient possibles :

  • compensation sur l'indemnité légale conventionnelle de licenciement ou sur des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
  • compensation pour des sommes indûment versées au salarié (Cass. Soc. 7 mars 2000 n°97-44.101),
  • compensation au titre d'une indemnité de préavis non effectué (Cass. Soc. 27 février 2001 n°99-40.774).

Ces compensations ne peuvent s'opérer que dans la limite de la fraction saisissable du salaire (Cass. Soc. 25 janvier 1997 n°94-44.788).

Cass. soc., 21 oct. 2008, n° 07-40.809 P+B

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